Pour Me Gérard Weber, président de l’UNPI Grand Est et président de la chambre de Strasbourg, les investisseurs ont intérêt à scruter les quartiers strasbourgeois en cours ou en attente de réhabilitation.
Le marché locatif strasbourgeois est traditionnellement recherché dans son centre et son hypercentre. Les investisseurs ont-ils intérêt à se focaliser sur ces deux zones ?
Me Gérard Weber, président de l’UNPI Grand Est, président de la chambre de Strasbourg : Commençons par envoyer un bon signal aux investisseurs, les loyers sont globalement soutenus à Strasbourg car la demande est constante et le marché tendu ! L’hypercentre constitue un marché bien spécifique, en effet assez tendu. Cette zone, appelée la Grande-Ile, est encerclée par les deux bras de l’Ill. C’est sur le plan historique le quartier le plus intéressant de la ville. Il est célèbre pour la noblesse de ses immeubles aux alentours de la cathédrale et dans les secteurs aux bâtiments, pur XVIIIᵉ siècle, sauvegardés, sans oublier les charmes de la Petite France, avec ses canaux et ses maisons à colombage. Les loyers y sont les plus élevés de l’agglomération, avec une moyenne de 10,70 €/m² selon le dernier Observatoire local des loyers du Bas-Rhin (tableau ci-contre, NDLR). Mais la rentabilité n’est pas forcément la plus intéressante, car le prix moyen à l’achat s’établi en moyenne autour de 7 000 €/m², même si ces prix doivent être affinés d’une rue et d’un immeuble à l’autre et varient selon l’état de l’immeuble et de son éventuelle rénovation. Pour les investisseurs, un intéressant marché de report se trouve avec la Neustadt, l’ancien quartier allemand aux très beaux immeubles 1900, dont les loyers sont légèrement inférieurs, à 10,50 €/m², pour des prix d’achat nettement moins élevés. Ce quartier présente par ailleurs un avantage aux yeux de certains locataires, car il est plus facile d’y circuler en voiture et de s’y garer que dans l’hypercentre.
Où se situent les opportunités pour les investisseurs ?
Le quartier de la Gare, qui n’est qu’à quelques minutes du centre historique, de l’autre côté de l’Ill, fait figure de parent pauvre, avec ses immeubles rarement restaurés et son manque de commerces de qualité. Les investisseurs peuvent avoir intérêt à jeter un œil sur les immeubles nécessitant une rénovation, car la demande est telle à Strasbourg que ce quartier finira bien par remonter et redevenir attractif. En revanche, attention à surveiller le projet de l’exécutif métropolitain de mise en place d’une autorisation préalable à la location dans ce quartier. Ce dispositif est prévu par la loi ALUR afin de lutter contre les marchands de sommeil mettant en location des logements vétustes. Si l’intention est louable, il faut s’assurer que les contrôles se fassent avec objectivité.
Il semble que certains quartiers de Strasbourg contiennent encore de trop nombreuses passoires thermiques. Est-ce réellement le cas ?
S’il existe autant de logements considérés comme des passoires thermiques, c’est parce que leurs propriétaires, qu’ils soient occupants ou bailleurs, n’ont tout simplement pas les moyens de financer leur rénovation. Au-delà de ce qu’il implique comme conséquences sur le plan administratif, un classement DPE F ou G se traduit au quotidien pour les occupants par un inconfort général, une chaleur excessive en été, du froid en hiver et des factures énergétiques élevées. Ce que personne ne souhaite ! Et pour les propriétaires, il engendre une dépréciation de la valeur de leur bien avec l’interdiction de le mettre en location à partir de 2023. C’est à ce titre que des quartiers comme celui de la Gare, autour de la place de la Porte Blanche, du boulevard de Metz et du boulevard de Nancy, voient arriver à la vente des immeubles entiers en monopropriété. Ceux-ci peuvent constituer d’intéressants dossiers pour des investisseurs aux reins solides. Le cas de figure est un peu différent à Koenigshoffen, un quartier ancien à l’ouest de la Gare, où les propriétaires n’ont généralement pas les moyens de rénover tandis que les locataires n’ont pas les moyens d’acheter. Résultat le marché apparaît actuellement comme gelé. Il paraît dans ces conditions plus intéressant pour les investisseurs de se diriger vers la deuxième couronne, où l’on trouve des logements à rénover pour 2 000 à 2 500 €/m².
Qu’en est-il du marché du neuf ?
À Strasbourg, le marché du neuf est essentiellement un marché d’investisseur. Avec de nombreux programmes de grande qualité entre la place de la Bourse, le Parc de l’Étoile et la frontière allemande, sur d’anciennes friches industrielles transformées en habitation. Dans le centre, les développements restent rares par manque de foncier disponible.
La hausse du prix au m2 depuis 2020, notamment dans le centre, ne peut-elle faire craindre une part de spéculation ?
La transformation par Bouygues Immobilier de l’hôtel des postes historique dans le quartier de la Neustadt a fait couler beaucoup d’encre. Ce bâtiment achevé en 1899 alors que l’Alsace était annexée accueillera d’ici l’année prochaine des logements résidentiels, des bureaux, une résidence senior, une brasserie et un bureau de poste. Ce qui en soi est plutôt positif. En revanche je m’étonne de constater que les plus beaux appartements ont été vendus au-delà de 10 000 €/m², sans balcon ni terrasse, avec des pièces de vie qui à l’origine n’ont pas été conçues pour servir d’habitation. Les acheteurs, dont beaucoup sont des investisseurs, ne peuvent s’attendre à aucune rentabilité avec de tels prix. Mais peut-être est-ce le résultat d’une approche essentiellement bobo, cette adresse permettant de se rendre dans le centre historique de Strasbourg à pied ou à vélo…
Quels conseils donner aux investisseurs potentiels ?
Il est capital que le ou les biens qu’ils envisagent d’acheter soient situés près d’une ligne de tramway. Strasbourg dans son ensemble se positionne clairement comme une ville piétonne, où les transports en commun et les circulations douces sont privilégiés. Ce qui engendre parfois des effets pervers, avec le développement de nombreuses zones commerciales en périphérie, à destination d’une clientèle familiale ayant besoin d’une voiture pour se ravitailler. Il est à noter que, par un paradoxe de l’Histoire, nous sommes encore très loin de l’étendue du réseau de tram tel qu’il existait avant-Guerre, avec des lignes qui allaient jusqu’au fond des campagnes… Un autre conseil à donner aux investisseurs est qu’ils observent de près l’ouverture et la fermeture des commerces, quartier par quartier. La place Kléber a ainsi chuté sur le plan de la qualité avec l’arrivée du tramway place de l’Homme de Fer, ce qui a entraîné un changement total de sa clientèle habituelle. Autre exemple, le quai des Bateliers, en face du château des Rohan, a vu ses commerces changer lorsqu’il a été piétonnisé. Ce quai est devenu un rendez-vous touristique majeur, il est vrai qu’il est très agréable de s’y promener. Mais nos adhérents se plaignent désormais des nuisances sonores, ce qui est généralement mauvais signe sur le plan immobilier