ANALYSE — Dans le cadre de l’audition de l’UNPI par la mission parlementaire sur la fiscalité locative, nous souhaitons faire part à nos adhérents du questionnaire auquel a été soumis notre Fédération par la voix de son Président, M. Sylvain Grataloup.
Quelle est l’appréciation de la fiscalité locative par l’UNPI et sur la nécessité d’une réforme fiscale ?
À titre préliminaire, l’UNPI considère que l’organisation législative, réglementaire et fiscale du logement ne correspond plus à la réalité et là très grave crise du logement que la France traverse depuis plusieurs mois révèle qu’elle est davantage une crise structurelle que conjoncturelle.
Il est évident de constater que le poids de la fiscalité attachée à l’immobilier participe d’une inégalité devant l’impôt et qu’il représente surtout une contrainte pour favoriser une politique efficace de l’habitat et un développement des locaux d’activités de toute nature dont la finalité est de permettre de loger les Français dans les meilleures conditions. En effet, la location immobilière subit le poids de l’impôt progressif jusqu’à 66,2 %, prélèvements sociaux et CEHR (1) compris, des droits d’enregistrement à l’acquisition (équivalent d’un mois et demi de loyer pendant dix ans), de la taxe foncière (souvent proche de deux mois de loyer), et de l’IFI (2) (pouvant représenter cinq mois de loyer – non déductible des impôts directs).
Cette situation bien connue ne fait que s’aggraver avec le temps alors que l’immobilier est un actif aux vertus citoyennes, sociales, environnementales en comparaison d’autres placements. Toutes les études démontrent que, sans optimisation fiscale, les rendements locatifs peuvent devenir rapidement négatifs en France du fait de la compilation de tous les impôts et taxes, expliquant que de très nombreux propriétaires préfèrent aujourd’hui arbitrer leur patrimoine immobilier au profit d’actifs financiers en France et ailleurs… Face à cette désaffection aggravée par la loi Climat & Résilience (et prochainement par le Décret Tertiaire), il est nécessaire d’inverser la pyramide des âges des propriétaires bailleurs, en redonnant de l’attractivité à l’acquisition de biens immobiliers. Pour autant, l’UNPI n’entend pas avantager l’immobilier à d’autres actifs, mais souhaite un rééquilibrage de la fiscalité dans un souci de justice fiscale, donc sociale, et d’apporter une réponse efficace à la politique du logement, notamment pour réussir la rénovation énergétique du pays…
Dans le prolongement de ce qui précède, l’UNPI reste convaincue que la multiplication de mesures éparses et construites de manière isolée ne peut permettre à résoudre cette crise, mais contribuer à épaissir le maquis législatif et fiscal sans néanmoins parvenir à une équité et une justice fiscale et sociale, seule solution pour résoudre la crise du logement. En effet, la fiscalité est décourageante pour les primo-investisseurs qui préfèrent s’engouffrer dans les niches fiscales comme le meublé. À titre d’exemple, la plupart des jeunes adhérents de l’UNPI ne sont souvent que propriétaires de meublés à défaut d’être propriétaire de leur résidence principale. De même, beaucoup d’investisseurs avaient préféré choisir le neuf pour ses lois de défiscalisation qu’il offrait, privilégiant un gain d’impôt mais aussi une revente programmée des biens à l’issue des montages, et sans se soucier pour autant de l’impact économique et social de leur acquisition (participation à la construction de logements, création d’emploi favorisée…). C’est pourquoi on constate que les investisseurs les plus expérimentés renoncent souvent au développement de leur patrimoine, car la fiscalité devient confiscatoire au-delà d’un seuil de revenus. Au fil du temps, la fiscalité est donc devenue la motivation essentielle des Français et des investisseurs, ce qui a permis le développement des lois de défiscalisation et du meublé touristique, ce qui représente un coût pour l’État sans toujours répondre aux besoins. De leur côté, la quasi-totalité de nos concitoyens attachés à la « pierre » (qui détiennent en général 2 à 3 biens, résidence principale comprise) sont en voie de disparition, car ils détiennent un patrimoine trop fiscalisé et soumis aux contraintes incessantes des réglementations qui dégradent la rentabilité de leur patrimoine. En la matière, la loi « Climat & Résilience » est aujourd’hui déterminante dans leur volonté d’arbitrer, d’autant que la pyramide des âges de ces propriétaires n’est pas compatible avec la durée d’amortissement des travaux et que les aides de l’État sont insuffisantes ou difficiles à mettre en œuvre (voir quasi inexistante pour les biens détenus en SCI). Cette situation se traduit par une paupérisation des propriétaires qui bradent la plupart du temps leurs biens énergivores et se privent d’un complément de revenus alors qu’ils sont souvent retraités avec de petites pensions. Ce phénomène est la raison essentielle de la décrue progressive d’adhérents que constate l’UNPI au plan national.
S’agissant des éléments de cette réforme, l’UNPI souhaiterait que la réflexion ne s’appuie pas seulement sur les conséquences d’un système fiscal complexe, source évidente d’injustice ou d’iniquité fiscale et/ou sociale. En revanche, il est impératif que la réflexion repose sur les raisons qui ont amené les législateurs successifs à créer le système actuel au seul bénéfice des recettes de l’État mais au détriment d’une vraie politique du logement. C’est pourquoi l’UNPI demande que les pouvoirs publics s’attèlent à une réforme d’envergure et globale de la fiscalité immobilière, en favorisant notamment ce que devrait être le logement dans les 20 prochaines années afin que la société et nos concitoyens, qu’ils soient propriétaires et locataires, puissent entrevoir une stabilité et que chacun ait un toit.
Pour autant, l’UNPI, dont c’est la mission, rappelle que le droit de propriété, également droit à valeur constitutionnelle, doit être protégé et renforcé, car elle est convaincue, comme l’ont souligné les défendeurs du droit de propriété lors de la Révolution française, qu’elle est et reste plus encore aujourd’hui, un mécanisme vertueux : le propriétaire assure une prestation de service à l’occupant, ce qui présente une utilité sociale incontestable ; il est également un puissant facteur de création de richesses qui incite celui qui détient un bien à en être responsable et à assumer son indépendance économique, permettant à l’État de consacrer son énergie et ses ressources au profit de ceux qui sont dans la difficulté. Cela est particulièrement significatif s’agissant de la détention d’une résidence principale qui permet à son propriétaire de bénéficier de la sécurité d’un logement. Le droit de propriété pousse son titulaire à tisser des liens avec de nombreux intervenants économiques : notaires, architectes, entreprises du bâtiment, magasins de bricolage, administrateurs de biens, établissements financiers, assureurs, etc. Il incite ainsi le propriétaire à prendre en charge l’organisation de son droit et à s’assumer. Du point de vue sociétal, le droit de propriété est un facteur d’ordre, de croissance et de stabilité. Son développement incite à la création de richesses ; sa mise en œuvre permet aux acteurs de mettre à la disposition d’autres personnes des locaux d’habitation et d’activités afin de servir le droit au logement et le développement économique. En cela, la fiscalité immobilière est un outil essentiel d’une politique de l’habitat et de développement des territoires, faisant qu’elle devrait être une priorité nationale.
1) Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
2) Impôt sur la fortune immobilière.
Quelle est la position de l’UNPI sur une égalité de traitement fiscal entre la location nue et la location meublée ?
L’UNPI, dans le prolongement de ce qui précède, est favorable à un rapprochement, voire une harmonisation de la fiscalité des locaux nus et des locations meublées, de courte et de longue durée, avec un taux d’imposition unique (sorte de flat taxe immobilière) mais avec des taux d’abattement qui seraient modulables en fonction de différents critères dictés par l’orientation de la politique du logement qui, désormais, se doit de reposer sur la durée de l’engagement (3 ans, 6 ans ou plus), le niveau de loyer, la qualité énergétique, et le secteur géographique. Une fiscalité plus juste et moins lourde permettrait une relance immédiate de l’investissement immobilier (neuf et ancien) et donc de compenser l’impact budgétaire. L’outil fiscal ne doit plus être une finalité, mais un moyen. Aussi, l’UNPI est favorable à une harmonisation des systèmes existants, mais à la double condition que la fiscalité attachée à chacun d’eux soit harmonisée et modulable, permettant ainsi de répondre aux spécificités des différents territoires français (urbain, rural, montagne, littoral).
Dans le cadre d’un alignement de ces deux régimes (nue/meublée), quel mode de transition pourrait être envisagé selon l’UNPI ?
Il paraît évident pour l’UNPI que la société a impérativement besoin de stabilité, notamment pour se projeter sur le long terme, et c’est de son absence qu’elle souffre. Mais il est exact que le passage d’un système à un autre est toujours délicat. S’agissant de la transition, il convient de ne pas retomber dans le piège de la loi de 1948, loi dite conjoncturelle, dont on a mis des années à se débarrasser, par des mesures successives qui en ont restreint son champ d’application. C’est pourquoi l’UNPI demande que la réflexion s’inscrive uniquement dans l’avenir et n’envisage aucune rétroactivité dont les effets seraient catastrophiques, car elle remettrait en cause les modèles économiques qui ont pu être élaborés. En outre, cette réforme globale du logement par sa fiscalité pourrait perdre de son efficacité, car elle se diluerait dans l’ancien système fiscal.
Comment l’UNPI apprécierait un rapprochement de la fiscalité des résidences secondaires avec celle des logements vacants ?
On ne peut comparer la valeur sociétale des résidences secondaires avec celle des logements vacants (dont la définition reste toujours une difficulté) pour leur imposer une fiscalité commune. Pour l’UNPI, les résidences secondaires subissent déjà une double fiscalité locale (taxe foncière + taxe d’habitation) qui peut être au surplus aggravée en fonction des communes et lourdement pénalisée par l’IFI (pas d’abattement). Détenir une résidence secondaire qui correspond à un usage et à un mode de vie relève du droit absolu de la propriété qui ne doit pas être contraint par une fiscalité punitive. A contrario, il n’est pas illogique qu’un logement vacant (de longue durée) sans utilité sociale puisse être taxé dans les secteurs tendus. Quelles que soient les raisons, souvent légitimes (travaux importants, problème d’indivision, contentieux…), le législateur doit contraindre les propriétaires qui ne donnent pas un sens à leur bien, au même titre que les terrains à bâtir sans projet de construction, particulièrement dans les territoires en tension où la spéculation pourrait être le seul objectif. Il convient tout de même de souligner que le parc de résidences secondaires reste marginal et que toute mesure fiscale contraignante n’aurait aucun effet sur la crise du logement. Le problème du logement des saisonniers reste entier mais ne doit pas remettre en question le marché des résidences secondaires qui est déterminant pour le fonctionnement de certaines communes touristiques. En effet, il serait utopique de penser qu’un partage d’usage serait possible alors que les périodes d’utilisation (principalement de vacances scolaires) sont les mêmes…
Pour relancer la construction, l’UNPI pourrait-elle envisager une approche fiscale selon la dissociation « foncier/bâti » et « nue-propriété/usufruit » ?
Au-delà de toute considération fiscale, l’UNPI estime que la dissociation « foncier/bâti » et « nue-propriété/ usufruit » est une réponse sociale pour répondre à l’accession au logement mais qu’elle risque de contribuer à la paupérisation des bénéficiaires. A l’instar du BRS (Bail Réel Solidaire), la durée de détention de ces dispositifs apparait trop longue pour en retirer un profit lors des sorties. En effet, dans une époque où les événements de la vie imposent une plus grande mobilité résidentielle (mutation, nouvel enfant, divorce, accident de la vie…), ces montages de longues durées apparaissent illusoires, d’autant que la durée moyenne de détention d’un bien en France est de 8 ans. Toute la question est de savoir si la propriété est une fin en soi et quel doit être son prix (financier et humain) pour être profitable…
L’UNPI serait-elle favorable à une extension du Logement Locatif Intermédiaire aux personnes physiques ?
Face aux besoins actuels de logements à caractère social lié à un pouvoir d’achat très fragilisé, l’UNPI est favorable à une extension de Logements Intermédiaires aux personnes physiques, sous réserve qu’elle n’entraine pas un déséquilibre du marché libre par leur nombre. Cela étant, force est de constater que le dispositif Loc’avantages, qui a la même finalité, ne semble pas fonctionner et qu’il faudrait déjà évaluer les raisons de ce constat. Selon l’UNPI, le développement des Logements Locatifs Intermédiaires doit se faire d’une manière harmonieuse entre le secteur privé et le secteur public afin d’éviter toute distorsion de concurrence.
Quelles sont les propositions que pourrait faire l’UNPI dans le cadre de la lettre de mission du Premier ministre ?
Les règles fiscales actuelles ne permettent plus de réaliser une justice sociale et fiscale. En effet, l’absence d’attractivité des logements nus de longue durée conjuguée à une diminution des revenus locatifs (encadrement des loyers versus augmentation des taxes foncières par exemple) invite les propriétaires à trouver des mécanismes fiscaux plus intéressants ou bien à se réfugier dans les niches fiscales, en choisissant d’autres modèles bien moins contraignants et plus rentables. Encore une fois, l’UNPI considère que la propriété est l’outil le plus vertueux pour servir le droit au logement et que la fiscalité doit s’inscrire dans un rapport équilibré entre les droits et devoirs du propriétaires.
Voici quelques propositions de l’UNPI pour parvenir à une réforme :
> Une égalité de traitement dans la fiscalité des revenus avec l’instauration d’un taux unique forfaitaire pour les revenus fonciers à l’instar de la flat taxe appliquée aux dividendes. De même des abattements fiscaux uniques quel que soit le régime de la location (meublé, non meublé, courte ou longue durée…), avec néanmoins des variations qui pourraient tenir compte d’un engagement de durée de location, d’un montant de loyer, d’un niveau de performance énergétique, du secteur géographique concerné… Rappelons que les revenus fonciers peuvent actuellement être imposés jusqu’à 66,20 % (IRPP + CSG/RDS + Cotisation exceptionnelle sur les hauts revenus) sans compter les impôts locaux et sur le capital !
> À défaut de sa disparition pure et simple, le remplacement de l’IFI par un impôt sur le capital dont l’assiette serait étendue à toute les classes d’actifs, dès lors que ces dernières seraient improductives. Ainsi les placements financiers en France et à l’étranger, les oeuvres d’art, les yachts… seraient concernés. Avec des taux d’imposition plus faibles et un niveau de déclenchement plus élevé, cette formule toucherait certes les résidences principales et secondaires ainsi que les biens vacants mais épargnerait les biens locatifs. Comme le préconisait le Sénat à l’occasion d’un amendement du projet de loi de Finances, cet impôt sur le capital pourrait s’appeler « L’impôt sur la fortune Improductive ». Rappelons que la France est le seul pays d’Europe avec l’Espagne à appliquer cet impôt qui n’est toujours pas déductible des revenus fonciers.
> Le partage équitable de la taxe foncière entre le bailleur et le locataire depuis la disparition de la taxe d’habitation, sachant que cette imposition bénéfice autant à l’occupant qu’au propriétaire. Au regard de l’évolution inexorable des taxes foncières (+ 9 % en 2023) dont certains prédisent un doublement, ce partage est nécessaire et à défaut il finira par remettre définitivement en cause la pertinence d’un investissement immobilier au détriment du parc locatif. Toutefois, les règles de répartition de cette taxe entre un locataire et son bailleur pourraient tenir compte de la performance énergétique du logement et du niveau de loyer appliqué… A cela, faire en sorte que les communes qui plafonnent les loyers ne puissent plus augmenter la taxe foncière.
> La création d’un statut du bailleur privé — utilisant le mécanisme de l’amortissement — qui reconnaisse la qualité « d’agent économique, social et environnemental » d’un propriétaire bailleur et relance l’investissement locatif du neuf comme de l’ancien, en substitution des lois de défiscalisation et sous réserve que le patrimoine réponde aux règles de la décence et aux exigences de la performance énergétique. A minima, la possibilité de déduire du revenu global sans limitation les dépenses de rénovation énergétique jusqu’en 2050, en renonçant en contrepartie à toute aide de l’état.
> L’établissement d’un statut idoine pour les dirigeants de foncières intermédiaires qui sont devenus des professionnels de l’aménagement des territoires du long terme. Par leur ancrage régional, ils peuvent non seulement participer aux obligations de la ZAN (Zéro Artificialisation Nette) avec des opérations de niche (surélévations, dents creuses…) qui n’intéressent pas les grands opérateurs mais aussi répondre efficacement aux objectifs de la rénovation énergétique (Climat & Résilience, décret tertiaire) grâce à leur capacité d’intervention à vocation patrimoniale au travers des immeubles qu’ils détiennent. Le développement de cette catégorie d’entrepreneur de l’immobilier serait bénéfique pour répondre à la problématique de « reconstruire la ville sur la ville ».
> La diminution des droits d’enregistrement pour les primo-accédants dans l’ancien, tout comme une baisse de la TVA pour les logement neufs, afin de solvabiliser cette catégorie d’acquéreur, surtout dans un marché difficile où les conditions d’emprunt sont pénalisantes.
Au-delà de la crise du logement que traverse le pays, il est donc temps de rééquilibrer la charge de l’impôt entre toutes les sources de revenus et tous les actifs, de sortir des régimes d’exception pour tendre vers un régime général et pourquoi pas de réformer progressivement les vieux impôts qui relèvent de la fiscalité locale, étant précisé que ces derniers ont perdu tout fondement économique en créant des inégalités de traitement territorial (droits d’enregistrement, taxe foncière)…